These notes were translated and compiled by Jennifer Stob in conjunction with ERC’s co-presentation (with the Austin Film Society) of two films on May 15, 2016:
I Don’t Belong Anywhere: The Cinema of Chantal Akerman (Marianne Lambert, 2015, 67 min.
No Home Movie (Chantal Akerman, 2015, 115 min.)
Chantal Akerman (1950-2015) was one of the most important filmmakers of the late twentieth century. Eight months after her death, her absence is still keenly mourned in film communities worldwide. This program is a requiem for Akerman, but also an invitation to further explore her work with ERC and the Austin Film Society in September 2016. That upcoming retrospective will feature some of Akerman’s early film experiments, the renowned Jeanne Dielman, 23 Commerce Quay, 1080 Brussels (1975), and one of her fiction films.
Marianne Lambert’s documentary surveys the themes that drove Akerman’s filmmaking: space, place, womanhood and loss. Akerman’s final film mediates on the way that love and trauma damage but also enrich the mother-daughter bond. In lieu of film notes, we present a selection of passages from Akerman’s diaristic novelette, Ma mere rit / My Mother Laughs (2013).
Elle rit souvent au milieu de ses plaintes. Elle a du plaisir.
Je l’écoute rire. Elle rit pour un rien. Ce rien, c’est beaucoup. Même parfois le matin, elle rit.
Elle se réveille fatiguée mais elle se réveille et entame la journée.
Je suis revenue de New York pour passer quelques jours avec elle. Et je ne sais pas pourquoi ni comment mais elle me laisse exister comme je suis.
Mon désordre ne semble plus la déranger. Elle a l’air de ne plus l’apercevoir. Elle accepte. Elle m’accepte comme je suis. C’était pas comme ca avant mais depuis qu’elle a senti la mort et qu’elle s’en est sortie elle a changé. Elle sait ce qui est important et ce qui ne l’est pas et elle m’accepte.
Parfois elle parle encore de ma naissance et du fait que son lait ne me convenait pas et qu’elle voyait son enfant dépérir et que c’était terrible. Un jour on a fini par trouver un lait qui me convenait. Qu’est-ce que serait arrivé sinon.
Elle rit.
J’aime entendre son rire.
Elle dort beaucoup, mais elle rit. Elle a du plaisir. Puis elle dort.
She laughs often amidst her complaints. She is happy.
I listen to her laugh. It takes very little to make her laugh. This little, it’s a lot. Sometimes she even laughs in the morning.
She wakes up tired but she wakes up and starts the day.
I came back from New York to spend a few days with her. And I don’t know why or how but she lets me be just as I am.
My disorderliness doesn’t seem to bother her anymore. She doesn’t seem to notice it anymore. She accepts it. She accepts me as I am. It wasn’t like that before but ever since she has felt death near and emerged from it she has changed. She knows what is important and what isn’t and she accepts me.
Sometimes she still talks of my birth and the fact that I wouldn’t take her milk and she watched her infant whither away and it was terrible. Finally we found milk that you would take. What would have happened if not.
She laughs.
I love to hear her laugh.
She sleeps a lot, but she laughs. She is happy. Then she sleeps.
***
J’ai l’impression que c’est la fin mais ce n’est pas la fin.
Je ne sais pas ce que je vais faire ni où je vais vivre et si je vais encore partir quelque part. Mais je vais partir à Paris dans mon appartement. J’ai un appartement. C’est chez moi. C’est ce qu’on dit, chez moi.
Mais je ne sens pas que j’ai un chez moi ni un ailleurs. Quelque part où se sentir chez soi ou ailleurs.
Parfois je me dis je vais aller à l’hôtel, là ce sera un chez moi ailleurs, là je pourrai écrire.
J’ai relu tout ce que j’ai écrit et cela m’a profondément déplu.
Mais que faire, je l’ai écrit. C’est là.
Je me dis que si je retravaille, peut-être que cela me déplaira moins. Pourtant pendant les mois où je ne faisais rien, je me disais bientôt je recommencerai à écrire, ou je continuerai et ce sera bien.
I have the feeling that it’s the end, but it’s not the end.
I don’t know what I am going to do or where I am going to live and if I am going to leave for somewhere else again. But I am going to leave for my apartment in Paris. I have an apartment. It’s home. That’s what we say, home.
But I don’t feel like I have a home or an away from home. Somewhere to feel home or away.
Sometimes I tell myself I’ll go to a hotel, there I’ll be home away, there I will be able to write.
I have reread everything that I have written and it has displeased me profoundly.
But what can be done, I wrote it. It’s there.
I tell myself that if I revise it, maybe it will displease me less. And yet for months when I wasn’t doing anything, I told myself soon I will begin to write again, or I will continue and it will be good.
***
Moi je ne pensais pas que j’étais d’un autre genre ni différente, pas du tout, j’avais juste un genre, un genre bien à moi et c’était mon genre. Un genre un peu négligé mais j’aimais bien. J’aimais que les autres ne soient pas négligés mais moi je trouvais que le genre négligé avait un certain style je trouvais. Un style bien à moi. Puis c’est devenu une habitude et je n’ai plus pensé à mon genre ni à mon style, j’étais comme ça et c’est tout. Différente.
Enfin peut-être.
I didn’t think that I was another type [sort, kind, gender] or different, not at all, I just had a type, a type that suited me and it was my type. A type that was a little disheveled, but I liked it. I liked it if the others weren’t disheveled but I personally found that the disheveled type had a certain style I found. A style that suited me. Then it became a habit and I didn’t think any more about my type or my style, I was like that and that was all. Different.
Maybe.
***
Je me prépare à sa mort. Comment fais-tu, dit quelqu’un. J’essaie de m’imaginer sans elle. Et je pense que ça ira.
Pas pour elle. Pour moi. Ou le contraire.
Mais il paraît qu’on ne peut pas vraiment se préparer alors je perds mon temps.
Elle, elle a une terrible envie de vivre.
Et toi ? Moi je n’en sais rien.
I prepare myself for her death. How do you do it, someone says. I try to imagine myself without her. And I think that it’ll be OK.
Not for her. For me. Or vice versa.
But it seems that we can’t actually prepare ourselves so I’m wasting my time.
As for her, she has a terrific desire to live.
And you ? I really don’t know.
***
Pourtant quelqu’un m’a dit, quand tu fais des films tu t’y mets tout entière. Je ne savais pas parce que je ne me connaissais pas, et certainement pas mon entièreté. Et les films finis, c’est comme si je n’avais rien fait que de la buée. J’avais besoin de faire de la buée. Vraiment j’en avais besoin, mais mon tissu restait toujours foutu.
J’aimais faire des films mais quand les autres gens parlaient de moi en employant mon prénom et mon nom je savais qu’ils parlaient d’une personne qui pour eux avait fait plus que de la buée mais quelque chose comme une œuvre. Je ne voulais pas les contredire. Surtout pas. Je ne voulais pas leur dire que c’était de la buée alors je ne disais rien.
And yet someone said to me, when you make films you put your whole self into it. I didn’t know about that because I didn’t know myself, and certainly not my whole. And the completed films, it’s like I hadn’t made anything but a fine mist. I needed to make that mist. Truly I needed to, but my human tissue always stayed ruined.
I loved to make films but when other people spoke of me using my first and last name I knew that they were speaking of a person that had made more than mist, something like an œuvre. I didn’t want to contradict them. Certainly not. I didn’t want to tell them that it was mist so I said nothing.
***
Quelqu’un aussi m’a dit il faut continuer. Tu vas continuer n’est-ce pas.
Il voulait dire à faire des films. J’ai dit très vite oui, oui. Et je me suis détournée. Pourquoi fallait-il que je continue. Pourquoi avais-je dit, oui, oui si vite. Parce que.
Apres j’ai encore vu cette personne et elle m’a serré le bras tout d’un coup et je me suis dit, c’est une autre manière de me dire de continuer. Je n’ai pas bougé, j’ai attendu là que ça passe et finalement, on m’a lâché le bras et quand j’ai regardé un peu plus tard à côté de moi, cette personne n’était plus là. J’ai respiré.
Someone also said to me you must keep going. You’ll keep going, right.
He meant making films. I said yes, yes very quickly. And I turned away. Why must I keep going. Why had I said yes, yes so quickly. Because.
Afterward I saw that person again and he squeezed my arm suddenly and I said to myself, that’s another way to tell me to keep going. I didn’t move, I waited there for it to end and finally, my arm was released and when I looked to my side a bit later, that person was no longer there. I breathed.
— Translation by Jennifer Stob